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Cécile Bertin nous raconte…L’Antarctique !

Antarctique.

Cécile ? C’est une baroudeuse. Intenable ! Parcourir le globe au travers de courses complètement improbables où l’engagement est parfois très important, elle nous fascine de par ses récits captivants. Aujourd’hui, vous êtes chanceux, nous allons parler de son expérience en Antarctique !

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Le 7ème continent… Le bout du bout du bout… Comment parler de cet endroit hors du monde, hors du temps où les humains pour une fois ont décidé de dire stop et de protéger cette nature autant qu’ils le pouvaient ? J’ai eu la chance d’y aller deux fois dans ma vie et sincèrement s’il peut y avoir une troisième je saute dans le premier bateau qui passe pour y retourner. Pourquoi ? Je vais tenter de vous l’expliquer !

Par le plus grand des hasards, dans je ne sais plus quel long courrier qui fut quasi mon quotidien l’année dernière lors de mon périple pour boucler les 4 déserts je suis tombée sur le film «la cuisine du Palais». En dehors du fait que passer 1h30 à voir une femme cuisiner des truffes et autres volailles juteuses alors que vous êtes là face à votre plateau repas qui fait passer les sandwichs de la SNCF pour l’apothéose de la gastronomie française n’est pas forcément facile, je me suis amusée de constater que dans l’histoire, cette femme qui avait connu les dorures de la République et certainement une relation pas très nette avec le Président, allait se réfugier en Antarctique pour panser ses plaies. Il y a quand même plus simple et plus proche pour ça non ? Et pourtant il y a comme une évidence et on ne se pose à aucun moment la question de ce choix. Les scientifiques qui séjournent là bas ont un mal fou à remonter dans le bateau, des enfants sont nés là bas par le souhait de leurs parents, des personnes y sont enterrées, parce que ça devait être là et pas ailleurs. Ce continent exerce une fascination sur ceux qui ne le connaissent pas et encore plus pour ceux qui le connaissent.

Pour moi c’est un peu plus compliqué que ça puisque tout est venu de ma lecture du livre de Philippe Paillaud, premier français à avoir couru le marathon de l’Antarctique et du coup premier à intégrer le 7 continents club, le club de ceux qui ont bouclé la distance sur les 7 continents qui ne sont en fait que 5 + l’Amérique du Sud + l’Antarctique donc. Je ne peux pas expliquer pourquoi mais son récit m’a tout de suite donné envie d’y aller moi aussi. Aucune française ne l’avait fait (pratique pour accrocher les sponsors potentiels, nerf de la guerre !) et j’avais déjà compris que j’allais vivre beaucoup plus qu’une simple course. Histoire de rajouter un peu de piment à l’affaire, je rajoute le challenge de courir les 7 marathons en 80 jours, clin d’œil à Jules Verne nantais comme moi. Bien entendu lorsque j’ai lancé le projet je ne mesurais pas une seule seconde tout ce que cela allait engendrer d’heures passées dans les avions, les aéroports à attendre mes correspondances, de réveils dans des chambres d’hôtels avec cette minute de flou totale où vous vous demandez juste où vous êtes là exactement. Alors forcément le séjour en Antarctique a été beaucoup plus qu’une simple course, c’est devenu une parenthèse enchantée puisque le marathon s’organisait le premier jour du séjour et ensuite place à «la croisière s’amuse» !

L’ile de King George, qui est l’ile principale où est organisée le marathon et l’étape «longue» de l’ultra que je reviendrai faire quelques années plus tard, est aussi l’ile la plus «habitée». Il y a plusieurs bases scientifiques, un aéroport (enfin je me comprends… une piste quoi !), des 4×4, des bateaux militaires qui mouillent dans la baie… et des manchots ! Parce qu’il n’y a pas de pingouins dans le sud, ils sont au nord ! Tout comme il n’y a pas de manchots empereurs partout non plus. Je tiens à tout de suite corriger les choses ! Il y a des phoques et des éléphants de mer qui viennent dire bonjour… Il y a cette petite chapelle orthodoxe en bois, perchée en haut d’une petite colline qui semble bénir l’endroit. Il y a forcément les fameux panneaux avec toutes les villes principales du monde avec les km qui nous en séparent. Comme souvent sur ce continent on ne peut pas faire ce qu’on veut, il y a des règles très strictes à respecter et les coureurs n’échappent à la règle. Inutile de vous dire qu’il faut oublier de jeter son tube de gel vide par terre… Ah oui point de détail important pour les garçons : on ne pisse pas non plus partout ! On ne peut pas non plus sortir des sentiers battus et le parcours suit forcément la route, enfin les chemins, qui sont déjà tracés. Le seul truc c’est que parfois il y a bien un chemin sous le mètre de neige qui le recouvre mais là tout de suite maintenant ce n’est pas évident. S’il y a bien une course où la notion de «faire sa trace» prend tout son sens c’est là ! Les bénévoles amorcent un peu le travail et c’est nous coureurs, qui boucle après boucle allons creuser la neige pour définir un couloir plus ou moins régulier par endroit. En gros il faut oublier de relâcher la pression et toujours regarder où vous mettez vos pieds ! 

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Antarctique.

« En fait, le plus difficile, ce n’est pas pendant l’effort, c’est à l’arrêt… Là en quelques secondes, avec l’humidité de la transpiration, vous êtes gelée jusqu’aux os… »

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On me demande souvent ce que cela donne du côté des températures et je sais que cela va beaucoup décevoir mais c’est tout à fait supportable. Dans mes souvenirs nous sommes tombés à – 10° température réelle et – 18° température ressentie sur le marathon parce que le vent s’était levé mais pas de quoi fouetter un auvergnat ou un savoyard ! Kilian, il te le court en short et tee-shirt manches courtes en se plaignant de la chaleur ! Le marathon de l’Arctique est lui organisé par des températures beaucoup plus dures puisqu’en plein hiver pour eux. En Antarctique les courses sont autorisées à la même période que les voyages touristiques, donc au printemps et été pour eux. C’est donc tout à fait supportable et vous n’êtes pas du tout obligé de jouer à courir en chambre froide pour vous adapter, faut pas pousser mamy non plus… Bien entendu cette réflexion nous concerne nous français habitués à ce type de température, c’était beaucoup moins évident pour mon collègue venant de Tahiti cela va s’en dire ! Mais lui aussi s’est très vite adapté. Le voyage permet au corps et au système respiratoire de s’habituer. Il suffit de faire des petits séjours sur le pont du navire pour ça.

Si l’on en vient à des considérations purement matérialistes, j’ai utilisé une tenue d’hiver classique pour le marathon et une paire de chaussures gore tex (des cascadia pour ne pas les nommer ! super accroche sur la neige !). Pour l’étape longue de l’ultra (j’aurais fait 70km ce jour là dans mes souvenirs) j’ai utilisé une tenue skin hiver topissime, jamais eu froid. Pour les autres étapes, j’ai utilisé des tenues Helly Hansen qui sont tout aussi confortables pour courir que pour faire du ski d’ailleurs. Pour l’alimentation et surtout l’hydratation, c’est là que ça peut se compliquer pour certains qui ont un système digestif sensible et qui apprécient moyennement l’eau glacée dans les intestins… Parce que là vous oubliez le confort des ravitos à la façon UTMB, soupe chaude, saucisson et tutti quanti hein ? C’est chacun pour soi et dieu pour tous ! L’organisation ne fournit que de l’eau qui est stockée dans la neige généralement.

En fait le plus difficile ce n’est pas pendant l’effort, c’est à l’arrêt… Là en quelques secondes, avec l’humidité de la transpiration, vous êtes gelée jusqu’aux os. Je peux vous dire que généralement les coureurs sont plutôt pressés de sauter dans le zodiac qui les ramène à bord !

Et puis il y a aussi le côté boucle qui peut peser pour certains. Si vous êtes réfractaire à l’esprit circadien, si l’idée de tourner en rond sur une boucle plus ou moins grande vous file le bourdon fuyez à toutes jambes ! A part le premier jour où la boucle (enfin les deux allers retours) devait faire 10 km, nous avons plutôt joué aux hamsters avec une apothéose un jour où nous avions pour résumer un semi km vertical de grimpette et un semi pour redescendre forcément… Et ça pendant plusieurs heures… Forcément il faut avoir le mental bien accroché… Mais aussi étrange que cela puisse paraître je pense que le fait d’être perdu à l’autre bout du monde, au milieu de paysages beaux à couper le souffle, changeant dès le moindre rayon de soleil nous aide à bien vivre le truc. Tout le monde est bien conscient qu’il a une chance inouïe d’être là, nous sommes en petit comité et au bout de 2 jours coincés sur un bateau forcément on se connaît tous un peu. On s’encourage du premier au dernier. Le classement se fait au km, il y a une vraie course mais le principe est simple : 100% de finishers. Au prix que ça coûte, nous sommes tous assurés de repartir avec notre médaille ! C’est déjà ça de gagné ! Les règles du jeu en plus sont claires dès le départ : c’est le capitaine qui décide les jours où l’on court, où l’on court et combien de temps on court. L’organisateur n’a pas son mot à dire et les coureurs encore moins. En gros vous savez en montant dans le bateau que la probabilité de pouvoir faire les 250 km annoncés est quasi nulle. D’ailleurs elle est nulle puisque ça n’est apparemment jamais arrivé à ce jour. Il y a toujours eu une étape qui a du sauter pour cause de mauvais temps ou d’accès à l’île impossible. Alors du coup ces jours là vous vous organisez, vous rattrapez votre retard de lecture, vous buvez des litres de thé ou autres tisanes au goût improbable dans le lounge à admirer les paysages ou à ne rien voir du tout parce qu’il neige justement et qu’on ne voit rien à 2 m de toute façon. Vous faites le point sur votre vie, vous êtes dans votre bulle par la force des choses puisque communiquer avec l’extérieur coûte une fortune !

Pour celles et ceux qui voudraient tenter l’expérience, je recommanderai en fait le marathon. Pour une simple raison, c’est que vous jouez les touristes les jours qui suivent ! L’Ultra, c’est un peu comme si pour le marathon de New York vous arriviez le samedi soir et que vous repartiez le dimanche à 16h… Ok vous avez couru le marathon mais bon c’est un peu court tout ça ! Personnellement j’ai trouvé ça très frustrant de ne pouvoir faire que courir finalement pendant ces 8 jours. J’aurais voulu aller faire du zodiac, aller voir les baleines, faire du kayak de mer, bref refaire ce que j’ai pu faire avec l’organisation du marathon. Moi ça va je l’ai déjà fait, j’ai eu cette chance inouïe mais je me dis que pour les autres, dont une très grande majorité ne reviendra peut être jamais, ils sont passés à côté de beaucoup de choses. Nous n’avons fait qu’une sortie purement touristique le dernier jour (bon tu me diras, nous avons pu voir des icebergs à tomber à la renverse de beauté !) et nous sommes allés voir les manchots sur une ile avec balade en raquettes. Nous avons aussi dormi une nuit sur le continent, oui j’ai campé sur l’Antarctique !

La conclusion de toute cette aventure ? Elle est simple et complexe à la fois. J’ai réussi à enchaîner plusieurs ultras sur une seule année, ce qui pour mon niveau de base n’était pas forcément évident au départ et je suis revenue en Antarctique comme je me l’étais promis la première fois. J’aime bien tenir mes engagements vis-à-vis de moi-même en fait ! Le plus dingue dans l’histoire c’est que je me suis lancée dans l’aventure de la recherche de sponsor sans avoir aucune idée de ce qu’étaient les courses en étapes dans le désert, autant chaud que froid ! Et le plus drôle c’est que je n’ai finalement jamais réellement douté de ma capacité de finir et il faut croire que j’étais convaincante puisque des sociétés m’ont suivi dan mon petit délire personnel. Bon je n’ai rien gagné non plus, soyons clair ! Le problème avec tout ça c’est que cela ouvre la boite de Pandore et que forcément le retour à la réalité est un peu violent et beaucoup plus difficile qu’on pourrait le penser. Après la phase de bonheur de retour à la maison vient la phase du «bon, c’est pas tout ça mais je repars quand et où»… A avoir fréquenté des coureurs venant du monde entier, je vous laisse imaginer le nombre de courses improbables qui se sont rajoutées à ma longue liste des trucs à faire avant de mourir ! (enfin de raccrocher mes baskets). Et je me prends à penser que finalement le Pole nord et ces foutus pingouins, je pourrais aller les voir aussi, histoire de comparer !

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Cécile Bertin en bonne compagnie !

Cécile Bertin en bonne compagnie !

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Si vous souhaitez en savoir plus sur mes aventures et voir quelques photos, c’est là que ça se passe : www.cecilebertin.com

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TS MAG

Cécile Bertin, pour Trail Session Magazine, 2013.

Author

▲ Cédric Masip - 41 ans ▲ 👫 Marié - 1 enfant 👦 👨‍💻 Fondateur & CEO @trail_session_magazine ⚓️ Odessa - Ukraine 🇺🇦 ⏱ 42.195km [RP] 2h46’52 🏃🏻‍♂️ Runner & Cyclist 🚴‍♂️ ⇣ My Strava ⇣ → www.strava.com/athletes/18867396 ✨ Ma Philosophie ✨ "Courir sur le chemin de la vie, le plus loin possible, le plus longtemps possible. Emprunter tous les sentiers, même les impasses, le plus important est de s’y (re)trouver".

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